Ingénieur des chemins de fer à la retraite, torturé à mort en détention le 23 septembre 1985 |
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22 ans, 8 mois après l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO lors du putsch du 13 janvier 1963 au Togo, survient l’assassinat en détention, sous d’affreuses tortures, d’Omer Aka ADOTE.
Ingénieur des chemins de fer à la retraite, âgé de 60 ans, il est été arrêté, avec 14 autres personnes, aux mois d’août et de septembre, pour détention de documents critiquant le régime et avaient été inculpés, à ce titre, d’outrages envers les représentants de l’autorité publique. Affreusement torturés, nombre d’entre eux, dont Emmanuel Yema GU-KONOU et Alessi de Medeiros, ont eu des fractures aux membres et aux côtes après avoir été sauvagement passés à tabac.
Une semaine à peine après leur arrestation, Omer Aka ADOTE succomba aux tortures affreuses qu’on lui a fait subir, notamment à l’électricité. Pour celles-ci, on procède à une décharge électrique dans les pieds et les parties génitales du détenu créant ainsi une hypertension bien réelle qui entraîne la mort. Les autorités togolaises ont alors déclaré qu’il était mort d’« hypertension artérielle » imputant ainsi sa mort à des « causes naturelles » selon le rapport de la Commission officielle d’enquête qu’elles ont été contraintes de mettre en place suite aux nombreuses pressions des organisations humanitaires et démocratiques à l’échelle internationale.
Dans le livre OMER ADOTE, un martyr politique du Togo qu’il a dédié à cet illustre disparu, Têtêvi Godwin TETE-ADJALOGO précise à son sujet à la page 41 que :
« Alors que depuis le mois de juillet 1985, des attentats non revendiqués se multipliaient à Lomé, les autorités togolaises déchaînèrent une vague répressive aveugle contre nombre de citoyens qui, soupçonnés sans preuve d’en être les auteurs, étaient arbitrairement arrêtés et torturés. C’est dans ce contexte qu’Omer ADOTE qui avait régulièrement été arrêté pour des raisons politiques en 1973, en 1974 et en 1977 fut à nouveau arrêté le 11 septembre 1985 avec son épouse, Lotté.
Dans la communication qu’elle fit à la Conférence nationale de juillet – août 1991 au nom de la colonie togolaise au Canada, RANDOLPH Micheline, qui avait été arrêtée lors de la même vague répressive dans laquelle fut pris Omer ADOTE indique :
« M. ADOTE Aka Omer, qui devait décéder le 23 septembre 1985 avait la colonne vertébrale brisée et plusieurs fractures aux bras et aux jambes par suite des tortures à l’électrochoc et bastonnades. Il était laissé à même le sol, agonisant et expira au moment où on voulut encore lui faire subir d’autres sévices. »
Pour sa part, dans son livre «Si Eyadéma m’était conté», publié à Accra en 2000, Me Siméon Kwami OCCANSEY, codétenu d’Omer ADOTE, raconte, à la page 58, les tortures que subit ce dernier dans les termes suivants :
« En septembre 1985, l’ingénieur Omer ADOTE, soupçonné d’avoir lu des tracts diffamatoires à l’endroit d’EYADEMA et pour n’avoir pas consenti à se faire délateur du Docteur Ati RANDOLPH et de sa sœur Micheline, fut torturé à mort devant nous-mêmes, alors pensionnaire au «Camp Boiro» de Lomé, ce grand laboratoire où la torture est expérimentée sous toutes ses formes. Dans cette galère où je passai 51 jours parce qu’ainsi le voulait le Timonier National, on n’entendait que des cris, des hurlements, des gémissements, des râles de ceux qu’on travaillait, qu’on brisait et qu’on démembrait par la torture. Témoin oculaire, nous accusons formellement le Lieutenant PELLOW d’avoir torturé à mort Omer ADOTE. C’est lui qui le ramena dans notre cellule à la «grande porte» le 11 septembre 1985 vers 21 heures, pieds et poings menottés comme un mouton qui était destiné à l’abattoir. Libéré de ses liens vers 22 heures, PELLOW et son équipe commencèrent l’interrogatoire musclé d’Omer jusqu’à minuit avant de le laisser sur le carreau, totalement épuisé, méconnaissable. Les jours qui suivirent, Omer ADOTE fut soumis à la diète noire : enfermement en cellule, sans nourriture, sans eau. Trois fois par jour, PELLOW venait le chercher pour le travailler dans les bureaux du Lieutenant BITHO. Comme il s’opiniâtrait dans la dénégation ou le mutisme, on le tenaillait longuement avec des pinces chauffées au rouge. Au bout d’une semaine, tout le corps et la partie de son individu étaient brûlés. Fin de la deuxième semaine, ADOTE n’en pouvait plus. Il vomissait du sang. Ses râles amusaient PELLOW qui les mettait au compte de la comédie et de la simulation. Le 22 septembre, ADOTE subit encore un ignoble interrogatoire au cours duquel on lui enfonça le goulot d’une bouteille dans l’anus. Peu de temps après, il tomba dans un état comateux. Quand, avec certains «gardés à vue», particulièrement le brave Monsieur SEGO, après avoir pris soin de le langer comme un bébé, puisqu’il saignait abondamment, nous le transportâmes dans le camion militaire qui devait le conduire au Centre hospitalier de Lomé-Tokoin, nous savions que c’en était fini d’Omer. Voici au Togo, «pays de la paix et des Droits de l’Homme», où peuvent vous conduire de simples soupçons».»
Après la mort d’Omer Aka ADOTE des suites de ses tortures ce 23 septembre 1985, son épouse, Lotté, qui avait été arrêté en même temps que lui, fut conduite à l’hôpital, ce même jour où son mari venait de rendre l’âme, vers 18 heures.
« Sortie de l’hôpital, littéralement groggy du fait des tortures subies, elle ne reconnaissait plus le chemin de sa maison… Heureusement et par hasard, une jeune amie était de passage, qui la prit par la main et la ramena à son domicile, c’est-à-dire chez les Adoté».
Le même ouvrage indique par ailleurs que :
«Avec beaucoup de difficultés, après moult tergiversations, la dépouille mortelle – meurtrie, défigurée – d’Omer Adoté sera rendue à la famille éplorée, par le «tout-puissant», l’«inamovible» ministre de l’Intérieur aux pieds d’argile : M. Théodore Kpotivi Djidjogbé Laclé… Avec interdiction formelle de toute espèce de funérailles, avec interdiction formelle à ladite famille de pleurer. A l’inhumation à Dégbénou (Aného), ce 10 octobre 1985, on pouvait compter les assistants sur le bout des doigts d’une main…»