SYLVANUS FOREVER !

15 septembre – 15 octobre 2025 :
Mois des martyrs et prisonniers politiques du Togo

29 ans, 3 mois, 22 jours après l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO lors du putsch du 13 janvier 1963 au Togo, survient l’attentat de Soudou où 4 martyrs, un responsable et 3 militants politiques de l’Union des forces de changement (UFC), en tournée de sensibilisation dans le Nord du Togo, sont lâchement assassinés.

Alors que la dictature s’est réinstallée depuis le coup d’Etat du 3 décembre 1991 contre les institutions de la transition auxquelles il met fin dans sa version originelle telle qu’instaurée par la Conférence nationale souveraine, l’année 1992 commence et se poursuit dans un climat délétère qui n’augure de rien de bon.

Manifestations de protestation et nouvelles tentatives de putsch se succèdent dès le début de l’année :

— en janvier et février, une série de marches de protestation, massivement suivies a lieu contre le coup de force militaire du 3 décembre 1991 ;

— le 10 février, des militaires organisent une expédition contre la population civile à Dapaong ;

— au mois de mars la « Caravane de la démocratie » composée de membres du Haut Conseil de la République mandatés pour une campagne de sensibilisation à l’intérieur du pays est molestée et échappe de justesse au lynchage à Blitta et Sotouboua ;

— le 25 du même mois de mars, des policiers, soi-disant « en grève », terrorisent la population, en organisant des bastonnades et en tirant des coups de feux en l’air sous prétexte de revendiquer l’application de leur statut ;

— le 9 avril, des éléments des Forces armées togolaises occupent à nouveau la radio pour protester contre le calendrier électoral et exiger le remboursement de leurs cotisations au RPT, avec la caution tacite de la hiérarchie militaire qui ne les désavouent pas ;

— dans le même temps, des plasticages, commencés à Atakpamé, se poursuivent à Sokodé et Blitta, avec des vols opérés la nuit par les militaires contre des institutions publiques (PTT, CNSS), sans qu’apparemment, rien ne soit fait pour les arrêter, démontrant ainsi qu’ils bénéficient de la protection des autorités ;

— le 15 avril, les responsables politiques de l’opposition font appel aux chancelleries pour dénoncer in extremis une nouvelle tentative coup d’Etat en préparation devant liquider la transition ;

Alors donc que tous ces événements démontrent que, pour le régime dictatorial, tous les prétextes sont bons pour lâcher ses forces répressives pour tuer, tout à fait significatif est le rapport que rend public Amnesty International sous le titre : « Togo : À l’heure des réformes, impunité pour les auteurs de violations des droits de l’homme » (AFR 57/01/92/F).

C’est dans ce climat délétère que survient à Soudou, le 5 mai, vers 12 heures, un attentat contre le convoi d’une délégation de l’Union des forces de changement (UFC), un regroupement de partis politiques en cours de fusion, en tournée de sensibilisation dans le nord du pays.

Sur la route menant de Bafilo à Soudou, la délégation de l’UFC tombe dans une embuscade montée contre le convoi de voitures dans lequel se trouve le Chef de file de cette coalition de partis, Mr Gilchrist OLYMPIO, fils du premier président de la République togolaise, Sylvanus OLYMPIO.

Au cours de cet acte odieux, quatre martyrs dont Marc ATIDEPE, Président de l’Union Togolaise pour le Renouveau (UTR) et membre du Haut Conseil de la République, trouvent la mort, d’autres sont grièvement blessés parmi lesquels Gilchrist OLYMPIO.

Devant la vive émotion suscitée aux plans national et international par cette tragédie, une Commission de trois membres mandatés par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) mène sur place, au Togo, une enquête sur ces événements du 8 au 13 juin 1992.

Selon les témoignages qu’elle a pu recueillir, après l’explosion d’un engin non identifié devant le véhicule où se trouvaient les dirigeants de l’UFC, les trois derniers véhicules du convoi ont été pris sous un tir nourri d’armes automatiques provenant des sous-bois bordant la route.

Les conclusions en douze points du rapport de la Mission d’enquête de la FIDH mentionnent notamment :

« 1) que l’attentat du 5 Mai 1992 survenu vers 12 heures sur la route de Bafilo à Soudou qui fit plusieurs morts parmi lesquels le Docteur ATIDEPE et plusieurs blessés graves parmi lesquels Gilchrist OLYMPIO a vraisemblablement été préparé et exécuté  par des militaires.

2) Que l’importance des moyens utilisés en matériel de guerre, armes automatiques et roquettes, en véhicules (…) et en hommes (…) et la méthode employée (embuscade) laisse présumer la complicité de l’Etat major des forces armées et des chefs de corps de ces militaires, en particulier le colonel AREGBA, colonel du régiment para commando, caserne, non loin des lieux de l’attentat.

3) Que le comportement des militaires en cause avant et après l’embuscade montrent qu’ils sont certains d’une quasi impunité.

(…)

9) Que même si la vérité des faits est partielle, l’existence d’un complot militaire visant à éliminer physiquement les leaders de l’opposition démocratique est très vraisemblable.

10) Que la liberté de mouvement et l’autonomie d’action laissée au capitaine Ernest GNASSINGBE permettent à celui-ci de se livrer à  un activisme incompatible avec son statut militaire.

(…)

12) Que le caractère prétorien du régime empêche l’exercice d’une justice indépendante et rend les magistrats et les enquêteurs judiciaires particulièrement vulnérables ».

Malgré ces conclusions, les coupables n’ont jamais été inquiétés bien qu’il ait été établi qu’Ernest GNASSINGBE, un des fils d’EYADEMA, officier dirigeant une unité d’élite de l’armée togolaise, est complice ou a dirigé l’opération.

En effet, dans son n° 165 du lundi 20 juillet 1992, à la page 2, le journal Courrier du Golfe, fort de ses investigations, révèle notamment les noms et qualité des « 25 terroristes de Soudou », commanditaires et exécutants de cet attentat comme suit :

« 

  • Capitaine Ernest Essoham Gnassingbé
  • Lt-Colonel AregbaWapissou
  • Lieutenant Bissari Bambawra : officier auto R.P.C.
  •    »  Tougon Essodina : commandant du Centre National d’Entraînement Commando (C.N.E.C.)
  • Sergent Botchonasse Ataféibou, n° m 3725, tireur spécial de MAG, arme automatique lourde de fabrication belge
  • Sergent Flankatchima Bawa, moniteur commando
  •    »  Tagba Atiboli, n° m 3962
  •    »  Bonfoh Yokoli, n° m 5712, joueur
  •    »  Monon Kotondja, n° m 2142, moniteur
  •    »  N’ganaba Djigbonzou, n° m 3256, chauffeur édenté
  • Caporal Amako N’kombé, n° m 3667, chauffeur d’Ernest
  • Soldat 1ère classe Gbati gbati, n° m 5893, moniteur C.N.E.C.
  •         »      »           »  Samani Kpandja, n° m 5963
  • Caporal Djakobik Sinandja, n° m 7014, moniteur,
  • Soldat 1ère classe Dao Arewa, n° m 5626, moniteur
  • Sergent Faré Kossi Laboulé, n° m 5629 R.P.C.
  • Caporal Tatayi Komia, n° m 5657
  •    »  Kpemissj Dao, chauffeur
  •    »  Akpanyayou
  • Soldat Missé ké  Atchaka
  •    » Nigasim N’wayim
  • Sergent Boboli
  •    »  Alassani Arouna, originaire de Bafilo
  •    »  Djakpa Tendjin
  •    »  Wiyao Koffi (blessé au pied au moment du repli) »

Quant aux martyrs, victimes innocentes occasionnées par ce lâche attentat à Soudou, le 5 mai 1992, ils sont :

  • Marc ATIDEPE, Président de l’Union togolaise pour le Renouveau (UTR) et membre du Haut Conseil de la République ;
  • Mama Touré MOUSSA ;
  • Atchankpa Zakari OURO ;
  • Tchadjobo Alasa SAMA.

Le 6 mai, lendemain de l’attentat, plus de 20 000 manifestants occupent la primature pour dénoncer l’attentat et exiger la démission du Premier ministre KOFFIGOH, d’une part pour le rôle trouble qu’il a joué lors des événements, s’étant concomitamment engagé dans une tournée concurrente à celle de l’UFC. D’autre part, pour la preuve faite de son incapacité à prendre des mesures énergiques susceptibles de garantir la sécurité des citoyens et responsables politiques, ainsi que de leurs activités.

Le 8 mai, l’indignation soulevée par l’attentat s’est exprimée à travers des marches de protestation de plus 200 000 personnes dans tout le pays dont 15.000 à Lomé puis, du jeudi 17 au samedi 19 mai, à l’appel des syndicats, 72 heures de grève générale sont décrétées pour protester contre l’attentat de Soudou.


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