SYLVANUS FOREVER !

15 septembre – 15 octobre 2025 :
Mois des martyrs et prisonniers politiques du Togo
…et dans Lomé les 26, 27, 28, 29 janvier et au quartier Bè les 30 et 31 janvier 1993

30 ans, 12 jours après l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO lors du putsch du 13 janvier 1963 au Togo, surviennent les massacres du 25 janvier 1993 à Fréau Jardin, qui se poursuivent dans la capitale les jours suivants.

Les massacres du mois de janvier 1993 sont à considérer comme l’une des plus graves tragédies dans toute l’histoire de la répression des mouvements populaires au Togo.

Nous sommes début 1993, au mois de janvier, 2 ans, 3 mois après le soulèvement populaire du 5 octobre 1990, un peu plus d’un an, un mois après qu’à la suite de la Conférence nationale souveraine, les institutions qu’elle a mises en place sont tombées dans une totale impasse malgré l’adoption d’une nouvelle Constitution. Depuis l’assaut sur la Primature et son coup d’Etat du 3 décembre 1991 qui s’est achevé par la capture du Premier ministre et sa reddition à EYADEMA, l’ensemble du processus de démocratisation est sérieusement mis à mal.

Alors que la crise sociopolitique togolaise s’approfondit, une Mission ministérielle franco-allemande comprenant le Ministre français de la Coopération, Marcel DEBARGE, et le Secrétaire d’Etat allemand aux Affaires Etrangères, Helmut SCHAFFER, est dépêchée au Togo pour aider à son règlement à travers une médiation entre le régime togolais et les partis de l’opposition démocratique.

25 janvier 1993 : Plus de 100 martyrs massacrés à Fréau Jardin

A l’appel du COD II, des habitants de tous les quartiers de Lomé et des localités environnantes sont appelés à converger ce jour-là vers la capitale togolaise pour une marche pacifique visant à soutenir la rencontre que le Haut Conseil de la République (HCR), organe législatif de la période de transition doit avoir avec cette Mission.

Ils sont plus de 300 000 à répondre à cet appel, venant de tous les quartiers en une foule immense qui prend d’assaut les rues de la capitale.

Cette marche pacifique convergente, appelée à se terminer sur l’esplanade du Palais des Congrès, siège du HCR et lieu de la rencontre, a pour objectif d’apporter un soutien massif au HCR dans sa mission de représentation et de défense des aspirations du peuple togolais et de réserver un accueil chaleureux à la Mission ministérielle franco-allemande.

Mais, quelques heures avant le début de la manifestation et sans qu’aucune décision d’interdiction n’ait été notifiée au COD II, les environs du Palais des Congrès sont complètement bouclés par les forces de l’ordre, empêchant ainsi tout accès à l’esplanade où doit se tenir la manifestation.

De ce fait, pour éviter toute forme d’affrontement entre la population civile et les forces de l’ordre, les organisateurs décident le transfert de la manifestation vers un autre lieu : le Jardin Fréau.

C’est pendant le repli vers cette place que les plus de 300 000 manifestants sont littéralement pris au piège d’une fusillade nourrie déclenchée par les forces de l’ordre, appuyés par des militaires en civil puissamment armés, certains portant sur eux des bidons d’essence.

C’est un génocide parfaitement planifié qui a été perpétré par les forces de l’ordre et des membres du HACAME et du MJSO5 qui ont quadrillé toute la ville, traquant les manifestants surtout ceux d’entre eux portant du blanc comme les organisateurs de la marche pacifique l’ont demandé. Ceux-ci ont été poursuivis jusque dans les maisons et institutions où ils ont tenté de se réfugier et où ils ont été affreusement massacrés, rendant certaines rues complètement rouges de sang.

La répression de la manifestation s’est effectuée comme suit :

— certains manifestants sont froidement abattus sur place ; d’autres, pour échapper aux balles meurtrières, se réfugient dans les enceintes des maisons avoisinantes et du Foyer Pie XII ainsi que dans le parc de Chemins de fer du Togo jusqu’où ils sont pourchassés par les forces de l’ordre et miliciens qui n’hésitent à y pénétrer pour les massacrer, dans de véritables carnages. Nombre de manifestants n’ont eu la vie sauve qu’en se réfugiant dans la cour du Centre culturel français ou dans des maisons assez éloignées du lieu du drame ;

— des voies de fait sont commis par les forces de l’ordre et miliciens qui se déchaînent sur les véhicules et engins à deux roues stationnés par les manifestants et citoyens innocents qu’ils saccagent et brûlent complètement dans les environs du Jardin Fréau et sur cette place publique.

— des dizaines de véhicules sont ramassées et emportées par des camions militaires ;

— des maisons sont pillées.

Le bilan des tués a été d’autant plus lourd qu’à ceux qui sont tombés sous les balles, il faut ajouter ceux qui ont été assassinés par flèches et piqûres empoisonnées, par couteaux, ainsi que ceux qui ont été piétinés à mort ou ont succombé par étouffement et crise cardiaque (victimes parmi lesquelles il faut compter surtout nombre de vieillards, femmes et enfants).

Après les massacres, on compte de nombreux disparus, les forces de répression ramassant les cadavres des manifestants pour les embarquer dans des camions de l’armée, à l’insu de la Croix Rouge, afin de les faire disparaître en allant les enterrer dans des fosses communes. Jusqu’à ce jour, de nombreuses familles continuent à rechercher leurs membres demeurés introuvables et dont on retrouvera certainement un jour les ossements dans ces fosses nombreuses communes disséminées un peu partout dans le pays.

Au décompte des corps retrouvés, un bilan très partiel a été ainsi établi :

  • Seulement 17 morts retrouvés pour la journée du 25 janvier 1993 :
  •  Akuélé DOUMASSI ;
  •  Esther KASSEKPO, 25 ans, revendeuse, membre du Collectif des associations de femmes (CAF) ;
  •  Dieudonné Laté LAWSON ;
  •  Hospice KUNAGAH ;
  •  Innocent DOH ;
  •  Kossi AKAKPO ;
  •  Kokou BLITTI ;
  •  Djibril FATAOU ;
  •  ABENTEY ;
  •  Olivier Komlan DANSOU ;
  •  Claude SENAH ;
  •  Koffi DOLOU ;
  •  Calice ADJOGBLE ;
  •  Papa GBONFOU ;
  •  Adéoyor ARIOUNDELE ;
  • Kerim ISSIFOU ;
  •  Kokou Guy Tokpli TETE ;
  •  2 corps non identifiées.

26, 27, 28 et 29 janvier 1993 : des martyrs massacrés dans les quartiers de Lomé :

Les jours suivants, la violence assassine a continué à se déchaîner dans la capitale avec l’aggravation des déprédations que les mêmes les forces de l’ordre et miliciens n’ont cessé de poursuivre avec saccages et vols dans les quartiers du centre-ville notamment : Amoutivé, Bè, Kodjoviakopé, Nyékonakpoè, etc…

Mais, la population, qui tente de résister, érige des barricades dans certains quartiers. On enregistre des agressions contre les hommes en uniforme qui répliquent par des fusillades contre la population et des massacres sur les barricades dressées par la population qui résiste malgré un rapport de forces considérablement disproportionné en sa défaveur. Cinq militaires sont agressés dans les quartiers populaires de la capitale et deux d’entre eux y trouvent la mort, l’un poignardé, l’autre brûlé vif.

Le bilan partiel de ces journées est de 4 morts et 14 blessés.

  • 4 morts seulement retrouvés pour les journées des 26, 27, 28, et 29 janvier 1993 :
  •  AZIANGUE ;
  •  ASSANI ;
  •  le gendarme Komlan ADJALLE ;
  •  le militaire TAGBA.

30 et 31 janvier 1993 : Plus de 50 martyrs massacrés au quartier Bè

Sous-Brigadier DONOU Koffi, tué le 25 janvier 1993.
Caporal TAGBA Kossi, tué le 27-01-1993.
Gendarme ADJALLE Komlan, égorgé le 28-01-1993

Ces images montrées à la télévision le 30 janvier 1993 vont sonner le coup de sifflet des massacres au quartier Bè.

Le 30 janvier 1993, les images des gendarmes et militaire tués par la population en colère au quartier Bè au cours de la résistance organisée dans certains quartiers de la capitale les 25, 26, 27, 28, et 29 janvier 1993 sont instrumentalisées comme le point de départ de nouveaux massacres organisés par les forces de répression et les miliciens du RPT.

Seulement 10 corps ainsi identifiés ont été retrouvés au terme de cette répression qui a occasionné plusieurs dizaines de morts :

  • Ayélé AMAIZO ;
  • Nicolas COQUIL (un jeune français de 12 ans) ;
  • Somégnon ASSIGNON ;
  • Bouba ADAMOU ;
  • Agbéko SOEDJEDE ;
  • Kossi de SOUZA ;
  • Steven ADDO ;
  • Yawo ADDO ;
  • Habib ZOUMARO ;
  • Ange TETE, égorgé au domicile de Me OCCANSEY.

Faisant suite aux massacres du 25 janvier au Jardin Fréau suivis par ceux des 26, 27, 28, 29 janvier, les massacres des 30 et 31 janvier 1993 poussent la population de la capitale, Lomé, au plus grand exode de toute l’histoire du Togo contemporain. Phénomène sans précédent dans toute l’histoire du Togo : face à une telle situation de détresse, plus de 600 000 habitants n’ont d’autre solution que de fuir la capitale, Lomé et ses environs, certains allant se réfugier dans les villes et localités de l’intérieur du Togo, la grande masse prenant le chemin d’un exil vers les pays voisins du Bénin, du Ghana et du Burkina Faso.


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